Halleluyah, Haendel, L'orgue et les mots de Cello
Aujourd'hui, nous allons faire un tour dans le passé... en musique... avec Haendel, l'orgue et les mots de Cello. Mais qui est Cello, me direz-vous ? Je la connais depuis très peu sur FB mais ce texte m'a véritablement interpellée par son authenticité et j'aime l'authenticité, surtout lorsqu'elle se décline en musique ou en danse. Et puis écouter cet instrument devenu désuet, rare et pourtant... Alors mettez-vous à l'écoute des mots de Cello, au son de l'orgue et de Haendel... J'ai choisi une autre vidéo que celle choisie par Cello, avec changement de musique et d'artiste musicien mais l'orgue y est à l'honneur... Jouissance de l'ouïe ! Halleluyah !
Fran Nuda
Fran Nuda
// Musicalement
Je me rappelle de ce temps où je pianotais
avec mes pieds. J’étais adolescente et mon professeur de piano
m’enseignait l’orgue. J’ai oublié bien des noms liés à cet instrument
fascinant. Peut-être qu’un jour m’y plongerais-je à nouveau. Dans les
reliquats de ma mémoire, il me reste le bourdon, ce piston affublé d’une
sonorité grave, cette odeur résineuse particulière aux églises
protestantes où il régnait en hiver un froid cadavérique et en été une
fraîcheur vivifiante, puis cette silencieuse solitude et le craquement
des marches dans l’escalier en bois quand je repartais.
Je me rappelle
aussi la lourdeur de la porte d’église dont j’avais la clef. Il me reste
des sons, des impressions et le balancement de mon corps en mouvance ;
jambes et bras mais aussi l’esprit. Il fallait savoir anticiper, jouer
sur deux claviers, composer avec les pieds, talons et pointes, tirer ou
refermer les pistons, battre des yeux la partition et les changements de
registres, jusqu’à en avoir la mémoire de l’espace et ne plus quitter
les mesures du regard.
S’il y a bien une puissance instrumentale
inégalable, je vous confierais que l’orgue est à mon sens l’instrument
qui sert le plus l’instrumentiste à sa cause. Peut-être par la taille de
l’objet, le projetant en infiniment petit, mais aussi par son aptitude à
mobiliser et le corps et l'esprit, portant ce rien à l’essentiel, dans
un juste équilibre des éléments. A l’instar du Maître et de son élève, l’un,
sans l’autre, n’ouvre à aucune transcendance, superposant la toute
puissance à l’extrême vulnérabilité.
Il y aurait tant à dire encore. Je
n’avais aucun talent particulier pour ce jeu-là, je me rappelle avoir
simplement assuré deux mariages un même été, ceux de mes cousins.
C’était une fierté et une grande responsabilité. J’ai dû fâcher les
organistes des deux villages, les privant d’un billet fort bien mérité.
Ce bas de laine remis dans une enveloppe scellée à la salive qui était
ratifiée au stylo bille dans la plus ronde écriture d’un « organiste ».
Je ne sais pas, j’imagine. J’avais à peine quinze ans, la musique, à
défaut du Christ, était mon exutoire à une histoire de vie trop
complexe à saisir. Il n’était d’ailleurs pas question de comprendre,
juste survivre et résister. En ce temps où le paraître prévalait sur
l’être, j’ai trouvé en cet art un moyen d’exister. J’ai autant joué du
piano que de l’orgue ou encore de la guitare, mais aussi chanté dans
différentes chorales, puis seule ou en petit comité. C’était l’époque où
l’on apprenait aux enfants à se taire, je me suis alors plongée dans
une autre forme d’expression.
Maintenant que je jouis d’une liberté de
ton, je n’ai besoin de musique que pour régresser dans cette mémoire ou
pleurer toutes mes larmes que j’ai trop longtemps retenues durant mon
enfance. Je vis dans le silence. La beauté musicale me bouleverse avec
excès, je ne sais plus contenir l’émotion qui me traverse. Je ne peux
plus chanter, sans prendre conscience de la puissance de cette symbiose
qui lie nos différentes humanités, il y a quelque chose de métempirique
dans la musique. J’en suis à chaque fois submergée et cela se traduit
par des larmes et une impossibilité de produire un quelconque son
lorsque je chante. Je suis alors aphone, sèche de vibrations sonores,
chaudement trempée de pluie lacrymale et réduite au silence.
Écrire
c’est se taire encore, pour mieux s’entendre et écouter les autres.
J’écris dans le silence, celui d’une vie. J’écris de ma solitude la plus
profonde, comme l’organiste perché en hauteur, joue en décalage avec ce
qui se passe quelques mètres plus bas, seul à l’affût et au service des
autres. Je scrute en moi et lis en vous mes doutes et mes possibles.
Quand la conscience m’offre le privilège de la conviction, je m’allège
en écriture et gagne en puissance de vie. Après avoir tant résisté, il
était enfin temps de se composer. Depuis, je n’arrête plus de vous
parler au risque d’en désabuser quelques uns. J’écris pour moi avant
tout, je l’ai toujours su. Pour moi mais surtout pour mes enfants,
qu’ils sachent un jour qu’une résilience est possible, que la souffrance
n’est en rien une fatalité mais une opportunité d’exister, toujours.
J’ouvre une porte pour eux, celle que j’ai tardé à reconnaître. Il faut
avoir entendu le bourdon, ce son si grave qu’il en est presque inaudible
et pourtant essentiel, pour relever la gravité d’un adagio et la beauté
d’une vie. Rien n’est inutile, tout porte à l’absolu, même nos
silences.
Retrouvez Cello :
sur FB : Les mots de Cello en musique / Violoncelle
Sur son site : lesmotsdecello.wordpress.com
Infinie gratitude et quel beau choix musical, je me délecte. Je suis vraiment très honorée de ton partage 🙏🏽
RépondreSupprimerheureuse que cela te plaise...
SupprimerQuel bonheur tu nous offres là Fran .Tu fais remonter en moi de beaux souvenirs d'enfance, un concert sublime à la cathédrale e Bayonne ,les orgues de la cathédrale que mes parents m'ont fait goûter très tôt. Subjuguée malgré mon jeune âge , la musique m'emplie encore. Alors merci pour cette belle vidéo et ce texte d'une grande beauté
RépondreSupprimerAh je suis ravie de te voir touchée et que tu le dises ici mais remercions Cello car c'est surtout grâce à elle et son texte est à la hauteur de cet instrument, comme tu le soulignes, Nicole. Merci à toi.😘
SupprimerMerci Fran pour cette vidéo et Cello pour cette divine musique et ce magnifique texte.
RépondreSupprimerMerci à toi Patsy de passer par là😘
SupprimerJ'aime cet instrument l'orgue résonnant dans les hauteurs et nous imposant le silence, qui pour moi est lié à tout jamais à ma communion solennelle dans la cathédrale d'Amiens, époque où l'innocence était encore de mise...
RépondreSupprimerL'innocence n'est plus là, mais l'émotion et la méditation en écoutant de l'orgue sont toujours présentes. Merci à toi Fran et à Cello pour la musique et le beau texte. 😘